top of page

Commotions cérébrales : à la guerre comme à la guerre

Dernière mise à jour : 6 juin 2020



 

Serre les dents mon gars on n'est pas qualifié !

L’irresponsabilité des instances et fédérations est en cause dans le sport. Incompétence ou prise de risque volontaire ?

On peut facilement imaginer que les staffs peuvent se permettre de faire une évaluation 'à la légère', motivée par l’enjeu et l’intérêt de conserver leur joueur sur le terrain, ou de ne pas perdre un rythme de match favorable à leur équipe. On voit aussi des joueurs faire le forcing et rester sur le terrain contre avis médical (par orgueil ou par intérêt sportif personnel). C’est aux instances de trancher, et d’assurer la sécurité des sportifs en faisant appliquer des règlements strictes et adaptés à chaque sport pour ne pas laisser de place au doute.

Les exemples de drames en matière de santé sont légion dans le sport. Entre les scandales sur la santé des joueurs post carrière NFL (CTE maladie dégénérative du cerveau), et la perte de contrôle actuellement dans le rugby (plusieurs décès en 2018) il y a une vraie alerte.

Malheureusement les Fédérations pour diverses raisons sont trop souvent dans le déni.

Dernier exemple en date, avant-hier 1er Mai, Gary Bettman (commissaire de la NHL), a indiqué qu’il était « impossible d’interdire les coups à la tête » alors que des mesures étaient réclamées. On répertorie des cas de décès également en hockey chez des joueurs en convalescence suite à commotions, 2011 et 2015.

Certaines Fédérations semblent toutefois réagir ces temps-ci, notamment dans le rugby, en réfléchissant à d’éventuels changements de règles. Mais revenons-en au football.

En premier lieu sachez qu’il existe bel et bien un protocole commotions cérébrales dans le foot, et ce depuis 2014. Celui-ci possède deux versions, qui s’appliquent aux professionnels ou aux amateurs. Vous pouvez les consulter sur le site de la FFF : protocoles commotions cérébrales

Le protocole existe donc, en revanche, est-il systématiquement appliqué et dans sa totalité ? Moins sûr. La version pro comporte 6 étapes et 7 sous-étapes, dont plusieurs tests. Exemple :

D’une part il s’agit d’appliquer une longue série de tests sur un joueur sonné, qui a certainement besoin de temps pour reprendre ses esprits. D’autre part l’arbitre ne laissera que 3 minutes pour parvenir à une conclusion. Enfin, le choix à prononcer au bout de ces 3 minutes peut entraîner un changement définitif, ce qui met la pression au staff médical.

Comment expliquer les derniers cas sinon, qui vont sans cesse dans le sens de la prise de risque.

David Ospina en Mars, percuté à la tête par un joueur en pleine course à la 5e minute de jeu contre l’Udinese, a repris le jeu avant de s’effondrer dans sa surface à la 41’, évacué sur civière direction l’hôpital.

Anthony Lopes, en Mars encore, lors du 1/8 de finale retour contre Barcelone au Camp Nou, a reçu des soins suite à un choc, puis a repris la partie, avant de sortir définitivement ressentant de sérieux troubles. Voici le communiqué de son club au lendemain du match.

A-t-il insisté pour reprendre contre avis médical ? A-t-on bien évalué son état ? Le fait est qu’on a laissé un joueur sur la pelouse tout en soupçonnant une commotion cérébrale. C’est écrit noir sur blanc.

La Fifpro (syndicat des footballeurs professionnels) réclame le remplacement temporaire.

Au football le risque existe mais les joueurs sont bien plus épargnés que dans les sports précédemment cités. La question est donc largement simplifiée quant à une amélioration de la sécurité. Avec le droit à un remplacement temporaire non comptabilisé, nous donnerions le temps nécessaire à une analyse en profondeur, et une évaluation sur la durée, sans envoyer le joueur au crash test. Il ne s’agit pas ici de modifier des règles fondamentales de jeu mais de faire preuve d’un peu plus de bon sens en améliorant le cadre de l’intervention médicale par un simple outil forcément efficace.

Tout réside dans l’appréhension de l’incident, et dans l’acceptation de l’attitude garantissant la meilleure sécurité. Du bon sens. Cela semble si naturel dit comme ça, et pourtant nous en sommes-là.

On lit même des titres d’articles faisant état de « petit malaise », vivement ceux qui évoqueront des « petites morts ».

Tottenham assure que Vertonghen n’a pas souffert de commotion cérébrale:

Le club londonien a communiqué à ce sujet, en précisant après la partie que leur joueur n’avait pas subi de commotion, et l’a réaffirmé 48h plus tard suite à des examens approfondis avec le personnel médical du club et un neurologue indépendant. On peut accorder au staff médical de bien faire son job, certes, mais le fait est que le temps passé à effectuer le contrôle ne garantit pas que le protocole complet ait été appliqué. En tout cas, la seule vérité est que la victime du choc a dû être évacuée épaulée par deux soigneurs, et cela démontre au moins que la conclusion des tests n’était pas la bonne en confirmant l’aptitude de Vertonghen à poursuivre la rencontre.

Commotion, pas commotion… on s’en fout dirais-je. L’état démontre déjà en live que le joueur devait sortir. Et en plus on lui recommande actuellement plusieurs jours de repos (et donc certainement de ne pas jouer le prochain match de PL ce samedi), mais on voulait qu’il reste en jeu contre l’Ajax.

Preuve que le sujet est sérieux, puisque nous en sommes à débattre de la forme alors que c’est le fond qui inquiète. Il faudrait visiblement élargir les mesures en ne se cantonnant pas aux commotions, mais pour forcer les staffs à retirer du terrain tout joueur qui présente de tels risques/troubles. Commotion ou non, le changement temporaire aurait permis de constater que le défenseur belge ne devait pas reprendre la partie mardi soir, plutôt que de le laisser tituber sur le terrain et sortir en catastrophe. Le protocole commotion est une chose, le bon sens et la volonté de préserver la santé en est une autre.

Une prise de conscience ? Il se dit que la FIFA, interpellée par la scène de mardi, serait enfin encline à instaurer la mesure du changement temporaire souhaitée par la Fifpro.

Il faut que la menace se concrétise pour que l’instance réagisse. Malheureusement je ne parle pas de la menace de la santé du joueur, mais plutôt de l’enjeu de la mauvaise image lors d’un événement majeur, celle d’un drame en pleine retransmission en mondovision. Je soupçonne bien évidemment cette menace de peser beaucoup plus que l’incident en lui-même. On a déjà vu des cas qui n’ont ému personne lors de matchs moins exposés. Suite aux cas Ospina et Lopes c’est justement la Fifpro qui est montée au créneau en l’absence de réaction des ‘maitres du football’. Vertonghen au 30 Avril 2019 n’est certainement pas le premier footballeur victime d’un choc sérieux qu’on souhaite laisser sur la pelouse comme si de rien n’était. Nous n’oublierons pas que le samedi 24 Novembre 2018 le président de la FIFA, Gianni Infantino, était présent au Stade Monumental de River Plate lors de la Superfinal retour avortée en Libertadores et qu’il était favorable à la tenue du match alors que les joueurs de Boca venaient à bord de leur bus de subir une agression d’une violence inouïe. Ainsi la délégation de médecins de la CONMEBOL avait établi que rien ne contrindiquait d’un point de vue médical la pratique du football. (Pour rappel, le bus avait été copieusement caillassé, les joueurs gazés, et 2 d’entre eux étaient à l’hôpital !). La FIFA il y a 6 mois, se montrait ainsi bien moins concernée par la santé des joueurs visiblement. Pour plus de détails lire : Ultraviolence et parodie monumentale

Si le foot en 2019 pouvait enfin faire son maximum, peut-être pourrait-il amorcer une série de réformes dans plusieurs sports. Quand la tâche semble désespérée il faut procéder par étape, et la partie la plus insignifiante sert parfois de déclic. Face aux obstacles, techniques ou moraux, aux réticences, au conservatisme et à l’exploitation, il ne faut pas sous-estimer que la plus petite des actions peut entraîner un cercle vertueux. Seule l’inertie garantira l’échec, et donc les drames.

Et à défaut d’avoir un impact direct (sur les sports US notamment), on pourrait déjà se féliciter d’épargner nos footballeurs de la folie humaine qui place un résultat au-dessus d’une vie. Si quelqu’un comme Marcelo Bielsa nous a démontré il y a quelques jours qu’il place le respect du fair-play au-dessus d’une montée en première division, je pense que les instances majeures devraient être capables de défendre quelque chose d’encore plus absolu. La santé.

27 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page