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Paris ne fête pas son titre. Est-ce un problème ? Une alerte?

Dernière mise à jour : 6 juin 2020

Paris est magique, Paris est tragique. On admire le PSG ou on le moque. Soit. Inatteignable en Ligue 1, on l’attend souvent au tournant en Champions League. Et si le problème était là ?


 

Dimanche soir, on a vu Paris battre Monaco, 3-1, avec un triplé d’un prodige qui ne fêtait pas ses buts, aussi beaux soient-ils. Mbappé jouait contre son ancien club, alors oui il est louable de savoir contenir sa joie, d’autant plus que ce dernier n’est pas mathématiquement à l’abri d’une relégation.

Mais Mbappé n’a pas attendu ce match pour arrêter de célébrer ses buts. L’attaquant a décidé de faire profil bas suite à l’élimination en Champions League contre Manchester United. Une forme de respect envers ses supporters, touchés par ce nouvel échec retentissant dans la compétition. Cette résolution n’est pas propre au buteur des bleus, mais correspond à un choix d’attitude de toute une équipe, tout un club. Compte tenu de l’historique européen récent du club de la capitale on peut considérer que la démarche est adaptée et plutôt positive d’un point de vue relationnel entre un club et ses supporters pour « marquer le coup ». Disons que le message est envoyé que personne ne fuit la situation ni ses responsabilités.

Une fois que le message est passé, il serait bon de revenir à la normale et ne pas tomber dans l’exagération.

Entre l’élimination contre MU et ce match du sacre contre Monaco il y a encore plusieurs choses qui ont pu atténuer la volonté de faire la fête d’accord. D’abord Paris a manqué 3 occasions de devenir officiellement champion en enchainant les contreperformances (Strasbourg 2-2, Lille 5-1, Nantes 3-2). Ensuite une partie du stade était fermée ce Dimanche pour sanctionner l’utilisation de fumigènes, et le coach était suspendu. D’accord.

Mais un titre concrétisé, chez soi (même si acquis quelques heures avant le match grâce au nul du LOSC à Toulouse), contre le dernier concurrent sérieux de ces dernières années, avec le retour sur les terrains de Neymar et Cavani, et un hat trick de Mbappé, ça ne mérite pas des émotions, de la joie ? La célébration a été pour le moins timide.

D’où vient le problème ? Les joueurs ont-ils réellement perdu le goût de la fête, à vaincre sans péril ? Ou s’agit-il d’un choix de communication ?

Une Ligue 1 au rabais

Aurait-on perdu le respect de la Ligue 1 ? Soulever l’Hexagoal aurait-il perdu de son sens ? Peut-être. Que faire alors ? Si on commençait d’abord par un état des lieux honnête on pourrait imaginer des mesures utiles. Malheureusement l’heure est aux œillères, à la surenchère du nombre de matchs et à la négation de la vérité quant à la baisse de niveau d’une ligue qu’on nomme depuis cette saison « Ligue des talents ».

On constate que le PSG est trop seul, loin devant. La faute à qui ? Au PSG trop fort ou bien à un championnat trop faible ? S’il est évident que les parisiens n’ont plus de réels concurrents on a aussi l’impression que le niveau général a diminué. Si le ventre mou n’a pas pour vocation de nous raconter une histoire palpitante, concentrons-nous sur les deux extrémités du championnat. Que nous disent-elles ? Points au classement du 15e au 20e depuis la saison précédent l'arrivée du Qatar

Si le faible total de points des 3 relégués (et désormais barragistes) par année se maintient à peu près dans une même zone, on constate que le total des points glanés par les clubs classés de la 15e à la 17e place accuse une forte chute. Signe d’un championnat dont le niveau moyen diminue.

On voit qu’on a besoin de moins en moins de points pour se maintenir. La référence des 42 points qui assurent mathématiquement le maintien est une notion presque inutile.

Autrement dit, le niveau des équipes qui se maintiennent aujourd’hui est celui de celles qui hier descendaient au deuxième étage.

Et en haut alors ? Voyons d’abord les écarts de points entre le champion parisien et les autres équipes du podium depuis l’ère Qatari.

(en cours pour 2019 bien sûr, sans oublier la série d'un point en 3 matchs qui épargne un écart record avec le 3e)

Point historique : Les records d’écarts entre champions et dauphins en D1 et L1 ont été les suivants : 7 points (Reims 1958 et 1960), égalé par Nantes (1966) qui a surenchéri avec 10 points (1983 et 1995), mais battu auparavant par Saint-Etienne avec 11 points (1968 et 1970), puis Monaco fait mieux avec 11 points (1997), avant que l’OL dépasse tout.


On voit que les écarts avec les 2e et 3e étaient déjà conséquents lors de l’ère lyonnaise. En revanche les choses se sont faites progressivement pour l’OL. On a eu le temps de constater l’évolution et de comprendre l’émergence du club. Pour Paris, qui avait depuis plusieurs années disparu de la tête de la course, il y a une sorte d’effet perçu comme artificiel.

Le Qatar arrive, fait le pari d’injecter de l’argent et de gagner ; et ça marche. Le PSG est fort, le PSG est puissant et marche vite sur la L1.

Objectif Europe. A côté de ça le Qatar communique fortement son désir de gagner l’Europe. Gagner la L1 est alors très vite considéré comme une évidence, dans les faits, mais aussi dans l’esprit. Là où on pensait que les projets de domination du PSG pouvaient entraîner une volonté de résistance, motivée par un instinct de survie ou une réaction d’orgueil de la part des grands clubs, ceux-ci se sont plutôt montrés résignés. La saison 2015/2016 finit quelque part de convaincre que le PSG danse le tango tout seul (31 pts d’avance sur le dauphin !). Bizarrement c’est l’année suivante que l’éblouissante réussite du trader monégasque permet au club du rocher de presque égaler le record de France avec 95 pts (Paris en comptait 96 la saison précédente). Paris marque pourtant 87 points, soit le 3e meilleur total de l’Histoire, mais Monaco est le champion 2017. Pour couper court à tout espoir de révolution, le PSG repassera la barre des 90 points la saison suivante (93 points et 13 d’avance sur l’ASM en 2017/2018). Cette saison 2018/2019, nous retombons dans cette archi-domination. Une sorte de déjà-vu, d’un film sans rebondissement qu’on revoit, encore et encore.

De l’extérieur, on a l’impression de savoir d’entrée que le PSG sera champion, alors l’officialisation est anecdotique. Si on reprend la comparaison avec l’OL, qui dominait largement le championnat lui aussi, il existait cette forme de lassitude chez les concurrents et leurs supporters, mais, l’OL continuait pourtant bien de fêter ses titres.


On pouvait penser alors qu’en interne, un titre reste un titre, pour le club, pour l’équipe et pour les supporters. Visiblement le PSG nous fait savoir que non. J’en reviens alors à la question de départ. Les joueurs ont-ils réellement perdu le goût de la fête, à vaincre sans péril ? Ou s’agit-il d’un choix de communication ?

D’accord le niveau moyen du championnat à baissé, d’accord les écarts se creusent, mais les écarts qu’a connu l’OL démontre qu’on peut continuer d’apprécier, et savourer ses titres. Voyons ce qui se passe ailleurs dans ce cas.

Et à l’étranger

La Juve ?

On voit que la Juventus, qui totalise aujourd’hui 8 titres d’affilée (record des cinq grands championnats détrônant…l’OL), affiche des stats sur les 7 premiers qui correspondent davantage aux écarts de l’ère lyonnaise plutôt qu'à ceux de l’ère parisienne (sans oublier que le total des écarts avec le dauphin n’est réparti que sur 6 saisons pour le PSG). De surcroit ces dernières années il y a eu un réel regain de suspens en Série A avec une Juve chassée par son dauphin (une fois la Roma, une fois Naples). Cette saison par contre, celle de l’arrivée de Cristian Ronaldo, la Vieille Dame vient d’officialiser son titre avec des écarts quasi similaires à ceux du PSG sur les (faux) poursuivants. Les bianconeri ne se sont pas privés pour fêter ce titre, et ce malgré une élimination toute fraîche chez eux en Champions League contre l’Ajax (catastrophique parait-il économiquement compte tenu de l’investissement réalisé avec CR7).

Alors malgré ça admettons, qu’il y ait une forme de lassitude due à des écarts plus larges côté parisien. Trouvons plus grand. Le Bayern ?

Le Bayern… alors qu’il comptabilise une avance de seulement un point sur Dortmund actuellement, cela permet de comparer les 2 clubs sur 7 ans et un chiffre similaire de 6 saisons avec une large avance sur le dauphin. Les chiffres sont supérieurs à ceux du PSG (largement même en ce qui concerne les écarts avec le 3e). Finalement un championnat à 18 ne garantit rien, si ce n’est d’améliorer au moins le niveau moyen. Cette réforme serait déjà utile pour le bas du classement plutôt que le haut, même si la réduction du nombre de match devrait permettre de réduire les écarts de points, et, en espérant un regain d’ambition des autres grands clubs améliorer peut-être la compétitivité et relancer la lutte pour le titre. Où se trouve notre Dortmund à l’heure actuelle ? Où est notre Leicester ? Nous n’avons même pas eu notre Naples ou notre Roma. Il y eu ce Monaco oui, et puis voilà qu’il se débat pour ne pas descendre. Quoi qu’il en soit, pour revenir à la question, les bavarois fêtent chaque année le titre avec démesure, peu importe l’écart soyez-en sûr, et les échecs parallèles.


Et si on était simplement heureux ? Le Celtic

Preuve qu’on peut très bien être presque seul candidat annoncé à sa propre succession, rouler sur le championnat, et perpétuer une tradition dans la satisfaction.

Le problème s’il ne vient pas de là, correspondrait donc plutôt à l’idée que la communication est trop basée sur la Champions League.

Ne pas confondre ambition et impatience.

Le Qatar a annoncé très vite vouloir gagner la Champions League. Le PSG s’est-il trop vite déclaré favori alors qu’il avait du retard sur les clubs européens historiques ? Il est vrai que le retard du club en tant qu’entité PSG était compensé par sa composition interne forte : Ancelotti, Leonardo, et la vitrine Zlatan, Motta, Cavani par exemple.

Premier problème, cette belle construction s’est défaite très vite. Perdant Leonardo et Ancelotti, le club a régressé dans son image et dans son fonctionnement.

Vouloir n’est pas pouvoir, la C1 est capricieuse et perdre ses nerfs à la moindre élimination ne peut pas permettre de se construire. On doit apprendre de ses défaites et ne pas les amplifier. L’impatience est certainement le grand mal du PSG actuel.

Oui la remontada est un traumatisme particulier qu’on ne peut pas surmonter comme n’importe quelle autre élimination puisqu’on touche à l’extraordinaire. Mais tout en reconnaissant les erreurs du PSG n’oublions pas la part importante de l’arbitrage dans le résultat qui ne tient qu’à un but.

Oui l’élimination contre Manchester Utd est une autre surprise humiliante, mais n’oublions pas que le PSG ne rate pas son match globalement. Les planètes se sont alignées pour repêcher un MU qui se noyait face au niveau des parisiens sur les deux matchs. Il a fallu une immense réussite et un arbitrage sévère une fois de plus pour que le PSG quitte la compétition sur un but assassin dans les arrêts de jeu.

Tout n’est pas rose loin de là, mais tout n’est pas noir. C’est la coupe, c’est l’Histoire. Chelsea s’est cassé les dents avant d’être champion. City se casse encore les dents. Et la Juve ? La Juve qui continue de fêter ses scudetti, malgré un écart record, elle non plus n’a pas gagné récemment, et a l’air d’être incapable de gagner une finale (6 finales jouées 5 perdues depuis 1996 dans ce format de la C1). L’institution fixe l’Europe comme objectif oui, mais n’accable pas ses troupes lors d’une élimination à domicile contre l’Ajax en demandant de ne pas fêter le titre.

Respect de l’Histoire vs folie des grandeurs

Un peu comme un devoir de mémoire, je pense qu’il faut savoir différencier les compétitions, et leurs niveaux d’incertitudes. Rien ne sert de comparer pour dénigrer le championnat. N’oublions pas que peu avant l’ère Qatari le PSG risquait la relégation, lui qui n’était plus champion depuis 1994 (8 points d’avance sur son dauphin marseillais). Prenons les émotions là où elles se trouvent non ?

Le club peut vouloir tout contrôler, réaffirmer sa volonté de titre européen comme objectif exclusif, ça ne le rendra pas plus crédible ni meilleur. Un club se construit d’abord chez lui, dans son championnat, et l’Histoire qu’il y raconte est tout aussi respectable que celle de l’Europe.

La communication positive immédiate d’après Manchester United s’est transformée en comportement négatif selon moi. Avec un tel message on soutient plus que jamais que la L1 est secondaire, voire un détail d’accession à l’Europe, et que le titre est juste nécessaire pour éviter les critiques. On va donc d'une part dévaloriser soi même son propre accomplissement et donner tout le pouvoir aux détracteurs de ne juger le PSG que sur le résultat brut en Europe, ce qui ajoute une pression supplémentaire aux échéances de C1.

D'autre part on pousse dans le sens d'une ligue européenne fermée et on est prêt à abandonner le championnat domestique. A quoi bon ? Puisque ni prestige, ni émotion…

Mais, le supporter lui, est-il d’accord qu’on prenne cette décision pour lui ? On vient déjà de lui indiquer que le titre n’était pas à fêter. Le consultera-t-on pour savoir s’il veut d’une ligue fermée ? S’il veut que son club abandonne le championnat national ? Rien ne le laisse présager et nous devrions le vérifier bientôt.

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1 Comment


gidobelmonte
Apr 26, 2019

Excellent article !!!

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